17 % de mini- short

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Pour avoir déjà vanté les mérites de l’inventeur de Pronote, il aurait été injuste de ne pas tresser la même couronne de laurier au gaillard, heureux créateur de la plateforme Pix. La plateforme Pix est une nouveauté qui selon les termes officiels est le service public en ligne de référence pour évaluer, développer et certifier ses compétences numériques. Une définition qui fait rêver. Alors comme toute feignasse qui se respecte, j’ai tenté l’expérience Pix pendant la pause estivale. Bon clairement je me suis un peu sentie comme Robert devant le minitel un matin de septembre 1987 en découvrant 3615 code Ulla. Un brin d’excitation et beaucoup d’appréhension en me connectant. Mais mon enthousiasme est vite tombé et les rires à peine étouffés de la chair de ma chair ont carrément douché mon excitation. Visiblement la génération 2.0 n’était pas la mienne. Mais on ne la fait pas à un hussard noir ! J’ai vu, j’ai pixu, j’ai vaincu !

Et la rentrée est arrivée ! Rapidement nommée Pix woman par mes collègues, je n’avais même pas peur. J’avais revêtu mon plus beau short rouge satiné et mon bandeau doré dans les cheveux. Les élèves avaient eu leur code d’accès au réseau informatique de l’établissement, ils avaient eu les codes d’accès à Educonnect, la fameuse plate forme qui permet la continuité pédagogique comme l’a dit le Grand Manitou, il manie tout effectivement mais comme un gamin de 18 mois qui essaie de faire rentrer des cubes dans des tuyaux ronds. Ça fait du bruit, ça brasse de l’air mais ça ne rentre pas, donc comme d’habitude tout devait fonctionner comme sur des roulettes. Direction la salle informatique, et nous voilà face aux PC.

- Alors, vous allez vous connecter à votre espace Toutatice pour pouvoir commencer votre parcours Pix. Je vous laisse récupérer vos codes dans vos carnets et on y va. Premier doigt levé. - Oui, je vais répondre à tes question sur Pix mais pour l’instant on se connecte.

Hummm beaucoup d’agitation, de fouille de cartables, de sueur sur les fronts, de sourcils froncés. On se croirait à la douane australienne au débarquement d’un vol d’asiatiques qui se demandent si les valises remplies de bouffe exotique vont pouvoir échapper à la vigilance des protecteurs de kangourous. On se rappelle de leur précipitation à ses agités de l’intolérance douanière à brûler un herbier vieux de 200 ans appartenant au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Ça fait froid dans le dos ce brasier. On comprend les touristes. Bon toujours est-il que là je n’ai pas de boîte d’allumettes dans mon mini short et il va quand même falloir s’agiter si on ne veut pas passer l’heure à se connecter voire à fouiller les valises.

Deuxième, troisième doigt levé… Bon visiblement on a un souci. - Oui je t’écoute. - Ben je n’ai pas mon carnet de correspondance, alors je n’ai pas mes codes.

Grrr, on le répète souvent, le carnet de correspondance est l’objet indispensable à tout collégien ! On doit toujours l’avoir sur soi ! C’est impensable de l’oublier, c’est comme la mère Denis sans son battoir, comme Thor sans son marteau, ou Michel Drucker sans son canapé rouge.

- Moi j’ai mon carnet, mais ma feuille s’est décollée je crois. Je ne la trouve pas. - Ce n’est pas grave, j’ai une fiche avec vos codes pour accéder au réseau. Alors Elvis, toi ton code c’est … euhhh… attends je vais te l’épeler : S e x k u s…

Alors selon la légende les codes seraient aléatoires. Aléatoires peut être mais sacrément fantastiques quand même. Bon bref mais revenons à nos claviers, il est 13 h 50, ça fait 20 minutes que j’y suis et je sens quand même mon bandeau légèrement glisser avec la sueur. Il nous reste 30 minutes pour lancer la suite

- Bien maintenant que tout le monde est connecté au réseau, vous lancez Toutatice pour vous connecter à Educonnect avec le code provisoire que vous avez eu la semaine dernière, comme cela si ce n’est déjà fait nous allons en profiter pour changer. les mots de passe. Et là je me dis que tout va bien se passer il n’y a pas de raison. - Alors les enfants on ne perd pas de temps, vous sortez la petite fiche avec vos identifiants et mots de passe provisoires.

Mais encore une fois, l’affaire semble plus compliquée que prévu. - Moi je n’ai pas eu le papier.. - Ben siiiii tout le monde l’a eu.. - Ouais moi j’ai eu mais ma mère l’a jeté, elle a dit que ça servait à rien comme tous les autres papiers. Hummmmm, je vais noter l’information et transmettre… Il est grand temps d’arrêter de distribuer des papiers qui ne servent à rien, ce harcèlement des familles n’a que trop duré.

Mais continuons. Lors de ma dernière visite à la base secrète, l’agent 001 m’a donné l’accès à tous les codes, pour les cas d’urgence et je crois que là nous sommes face à une urgence. Donc zou on ouvre le logiciel, on trouve les codes et go !!! ( Il faudra quand même lancer un pneumatique pour l’agent 001, car j’avais tous les codes du lycée, mais pas ceux du collège.. ) On va passer sur les lettres en minuscules, au lieu des majuscules, les ponctuations oubliées.. Il est 14 h 08… il est grand temps.

Je passe au dernier qui patouille encore. Pour lancer PIX il faut juste enregistrer sa date de naissance, mais il n’a pas l’air d’avancer. Alors je prends la main sur le clavier, un petit coup de lingette, une goutte de gel hydroalcoolique et on y va.

- Donne moi ta date de naissance s’il te plaît, je vais compléter. - 2007 - Oui ça c’est pour l’année, mais je veux la date de naissance complète. - Ben c’est ce que je dis 2007. - Bien mais donne moi le jour, s’il te plaît. - Euhh ben je sais pas.. -…… - Ahhh siiiii ma mère m’a dit, c’est un samedi ! - Un samedi ? Comment ça un samedi ? C’est pas toujours un samedi, enfin je veux le chiffre du jour et le mois. On verra pour le calendrier plus tard. - Ah oui le chiffre ? Bouhhh je l’oublie toujours celui là . Mais c’est en 2007, en mai ……. Ah si le 13 mai ! - Super ! Mais rappelle moi de retravailler le calendrier, les années bissextiles, tout ça tout ça. Relingette sur le clavier, re gel hydroalcolique.

14 h 11, tout le monde s’y met, je remonte mon bandeau doré, je réajuste mon mini short de Pix woman, je peux souffler. - Euh, dis moi sénateur, tu m’expliques ce que tu fais sur ton PC là ? - J’ai fini Madame, alors je fais des recherches sur un jeu. - Comment ça tu as fini ? Tu as commencé il y a moins de 15 minutes. - Oui mais c’était facile, j’ai répondu aux questions.

Le sénateur, ça n’est pas le chantre de l’efficacité, ça serait plutôt la version placebo. Il fait croire qu’il travaille, mais en fait il fait autre chose. Quoi, on ne sait pas vraiment, mais le sait-il lui même ? C’est un des grands mystères de l’Univers non résolu encore. - Bon reconnecte toi je veux vérifier.

J’entends les soupirs de l’homéopathe face aux arguments de l’Académie de médecine. N’empêche que moi je trouve que le paracétamol, c’est quand même très efficace en cas de migraine, alors tu l’ouvres ta session ?

- Effectivement tu as répondu à 5 questions. Sourire en coin du Sénateur. - Mais… tu as réalisé 17 % du parcours, tu vois bien le problème ou on reprend les pourcentages ? Allez il y retourne, et moi enfin assise je me dis que Mr Pix quand il a lancé sa grande idée de développement, évaluation de compétences numériques a-t-il pensé que parfois sur le terrain, les premières compétences à évaluer sont : coller son code sur son carnet, ne pas oublier son carnet, ne pas jeter les documents importants, se souvenir de sa date de naissance, savoir recopier un mot de passe avec tous les signes imposés, et comprendre que 17 % ça ne veut pas dire que le job est fini… Parce que là j’ai quand même le sentiment que Mr Pix il a juste pensé à 17 % du projet.

Si Pix Woman ne mettait que 17 % de son mini short satiné rouge, la tenue serait-elle républicaine ?

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