Hier c’était lundi et Droppy était absent. Il faut le reconnaître ce n’est pas facile le lundi matin, on n’est jamais à l’abri d’un accident de poulet-frites mal digéré ou des ratés dans le moteur consécutifs à un gigot-flageolets trop cuit. Mais comme notre chère Éducation Nationale nous a fourni un logiciel espion, cela m’a permis de remarquer que Droppy était absent pour cause de rendez vous médical.

Alors ce matin, quand il revient en classe, un excès de compassion m’a amené à l’interroger sur son état de santé. - Comment tu vas Droppy ce matin ? Mieux j’espère..

Et là, d’un coup, un sourire éclaire son visage. Une sorte de béatitude transparaît dans son regard. On sent qu’il va mieux en effet. Et quand on habite un désert médical, on se dit qu’il a trouvé la perle rare. Le médecin capable de le remettre sur pieds en quelques heures, le doc capable de guérir notre Droppy et de lui redonner le sourire aussi vite est au moins un génie. On imagine déjà sa salle d’attente bondée, le regard doux et bienveillant du médecin de famille sur notre Droppy, hagard. Mais grâce à un rapide examen, une ordonnance parfaitement ajustée, Droppy pète le feu.

Je m’apprête donc à lui demander le nom du patricien quand il se lance dans la description de son week-end et là on sent que la consultation a du être sacrément agitée.

- Je ne suis pas venu hier parce que ce week end c’était la fête de mémé, on a invité plein de copains, on a dansé longtemps, longtemps, c’était une grosse fête. C’est pour cela que je suis resté à la maison, parce que j’étais trop fatigué. C’était trop bien.

Bon finalement Droppy n’était peut être pas si malade que ça mais il a certainement le rythme dans la peau, et ça c’est vachement chouette quand on a 12 ans et tant pis si on plante l’alibi de ses parents. Pour l’opération Corned beef il faudra revoir les bases.

Le lendemain c’est Terminator qui nous fait le coup de l’Arlésienne. Décidément pas facile de suivre une programmation quand on a une classe qui ressemble à une tranche d’emmental suisse ( parce qu’on est d’accord, c’est dans l’emmental les trous, pas dans le gruyère..). Mais avec Terminator, pas d’inquiétude : I’ll be back. Le jour d’après, bon pied, bon œil, le voilà de retour. Comme il a plutôt une petite mine, je me permets cette fois de lui demander s’il est suffisamment remis pour revenir au collège.

- Ouais mais hier j’étais malade, j’ai tout dégobillé.

Dégobillé ? Sans rire ? Ça doit faire des années que je n’avais pas entendu ce mot. Mais ça n’est pas le moment de faire dans la nostalgie, ni dans la gastronomie. Je confirme qu’il y a bien quelques cas de gastro- entérite et je propose que nous nous passions des détails médicaux qui pourraient mettre à mal la digestion à peine entamée de mon petit déjeuner.

- Ben non j’ai vomi parce que j’ai mangé des Nay.

Alors là sur le moment n’étant pas sûre de la substance ingérée, je me permets d’écrire le mot avec la seule orthographe que je lui connaisse. Nay. Nay est une charmante petite bourgade du Béarn, célèbre pour sa production de sonnailles, sonnailles que l’on peut retrouver au cou des chiens de chasse ou divers bêtes de troupeaux . Comme Terminator ne semble pas tintinnabuler de manière intempestive, je dois faire erreur. Et je lui demande :

- Des nailles ?? Mais c’est quoi les nailles ? - Ben du naille quoi ? - Ahhh de l’ail ! Mais ça ne fait pas vomir l’ail. - Si parce que j’en ai mangé une grosse. -Une grosse ? Une gousse d’ail ou une tête d’ail ?

Vous remarquerez que ce questionnement a aussi pour but de permettre d’acquérir un vocabulaire plus précis afin d’éviter d’autres situations acadrabrantesques ou autres méprises.

- Plein de grosses gousses. C’est pour ça que j’ai dégobillé.

Un doute m’assaille, dans quelle situation peu-on être amené à ingérer des gousses d’ail de manière volontaire ? Une vieille recette ancestrale pour avoir le poil brillant et l’œil vif ? Un vermifuge naturel ? Un répulsif contre un voisin blafard qui vit la nuit ? Un adepte de la gastronomie gasconne héritée d’un royal ancêtre navarrais ?

- Dis moi Terminator, pourquoi as-tu mangé de l’ail au point de t’en rendre malade ? - Ben je jouais avec mes grands frères au jeu des pays. - Le jeu des pays ? Tu m’expliques .

- Il faut trouver un pays qui commence avec la lettre que mon frère donne. Mais j’ai perdu le pari. Alors c’est pour ça que j’ai du manger les nailles, euh les gousses d’ail ( Yes !! vocabulaire intégré !) . Mais mon frère aussi il a vomi, il a perdu aussi. Mais lui il a du lécher la carapace de la tortue et boire l’eau de son aquarium.

Ce vendredi, c’était le conseil de classe des 6^e. Bilan de Terminator : J’ai réussi les maths, mais j’ai raté la géographie. C’est bien d’être lucide !