C’est beau un hôpital la nuit.

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Un jour, un mec avait écrit « c’est beau une ville la nuit ». Et ce matin, Calamity pourrait écrire, c’est beau un hôpital la nuit. Pourtant quand elle était arrivée en ambulance ce matin-là, encore une fois terrassée par des impulsions électriques dans le visage, elle n’en menait pas large. Ces décharges étaient une vraie saleté, d’une puissance à abattre une vache en pleine méditation devant son dernier train. Et pourtant une vache qui médite en regardant les trains c’est particulièrement calme, et il en faut beaucoup pour la contrarier. Il faut faire preuve d’une sacrée mauvaise volonté. Alors Calamity franchit les portes, en pleurs, comme un animal blessé, complètement hagarde ; elle pourrait faire peur Calamity, donner envie de courir, pour éviter son regard larmoyant, et sa morve dégoulinante. Pourtant ils sont là, ils répondent présents les gens en blanc. Ils écoutent, ils rassurent, ils sourient. Et Calamity s’apaise, elle sent la chaleur de leur peau sur sa peau, elle sent la douce pression de leur main sur son bras, sur son épaule, une pression brève entre deux sprints dans le couloir. Et ça lui fait du bien. Elle voit leur sourire sous leur masque, et ça lui fait du bien. Pourtant un hôpital ça n’est vraiment pas beau, c’est froid, c’est gris, c’est beige. Cela ressemble à l’intérieur du cœur d’un ministre de la santé en fin de vie. Et puis dans l’hôpital, il y a d’autres patients, des bruyants, des impatients, des un peu perdus. Et puis il y a le papa d’Alya. Il a du mal à expliquer la douleur de sa fille, alors il souffre avec elle, comme s’il pouvait aspirer sa douleur, la douleur d’Alya. Il est beau le papa d’ Alya. Et Alya ne voit que son sourire, n’entend que ses chansons. Et pourtant le papa d’Alya fatigue, alors Calamity lui donne une pièce de 50 cts, le prix d’un café, le prix d’un coup de fouet. Le papa d’Alya est rassuré, Alya va aller mieux alors il peut partir. Pendant ce temps Calamity pleure, elle est fatiguée, épuisée et en pleine nuit, elle vient d’apprendre qu’un examen prévu à 17 h est reporté. En même temps il est minuit. L’heure où quand Cendrillon perd sa godasse, Calamity perd sa bonne humeur. Alors papa d’Alya s’assoit, prend la main de Calamity, et raconte son histoire. Il raconte son histoire dans un mélange de langues, mais surtout avec son cœur, alors Calamity elle comprend. Un jour le papa d’Alya avait demandé à sa femme de le réveiller, car il devait passer la journée avec ses copains. Mais la maman d’Alya fatiguée, a oublié. Et lui il a crié. Et ils se sont fâchés. Le soir le papa d’ Alya a découvert que ses copains, en Syrie, avaient pris une pluie de bombes sur la tête comme on prend la grêle un jour de printemps. Alors le papa d’Alya, avec ses yeux noirs et sa main chaude sur la joue mouillée de Calamity a dit : - Allah t’a sauvé, pas d’examen pour toi ce soir. Calamity ne le connaît pas ce gars-là, Allah, mais le papa d’Alya, lui a l’air sûr de son coup. Et Calamity est sûre d’un truc : c’est beau un hôpital la nuit !

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