Exercice polyarticulaire de musculation

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Exercice polyarticulaire de musculation

A la sortie du confinement, les cueilleurs de fraises ont appris que se regrouper à 10 sous une serre de Plougastel, c’était dangereux et interdit mais que mélanger 600 gaillards adeptes de la distanciation sociale à géométrie variable ça passait fastoche, fastoche comme planquer un pangolin sous le tapis de ma grand-mère. Tout ça parce que quelques pignoufs avaient laissé sous-entendre que les ouvriers agricoles pédagogiques n’avaient pas assuré un artichaut breton, et qu’il fallait les remettre vite au boulot au risque de les voir finir l’année scolaire en pantalon de yoga, à manger des galettes de quinoa sur leur canapé en fibre d’endives du Nord pas de Calais.

Même si les ouvriers agricoles n’avaient pas l’impression d’avoir arrêté un seul jour la récolte, ça sentait quand même la rentrée, avec la lente reprise des habitudes. Et ce matin Terminator, Miss Tamalou, Bichette, Choupinouich, Droppy et Timide avaient rejoint la mine pour travailler, mais avec beaucoup moins d’entrain que les 7 nains de Blanche Neige. Ni chanson en montant l’escalier, ni oiseaux pour accompagner en sifflotant nos joyeux drilles.

Timide, il est gentil, mais pas bavard. Quand on lui parle il ouvre ses grands yeux bleus et bouge de manière imperceptible les épaules ; imperceptible pour un néophyte. Ce qui rend parfois la communication un peu compliquée. Déjà le morse avec un manuel, c’est pas de la tarte, alors le mouvement d’épaules, s’il n’est pas bien maîtrisé ça peut vite devenir du finnois du Nord, traduit par Google.

Alors ce matin, on reprend les problèmes en mathématiques. Terminator est au taquet, il se lance dans les opérations, Bichette le suit de près, pendant que Miss Tamalou ronchonne un peu, parce que Droppy lit ses problèmes trop fort et ça la déconcentre. Mais tout semble se dérouler sans accroc. Mais c’était sans compter sur Timide. Il semble s’être figé d’un coup, comme s’il venait de croquer dans la pomme de la vilaine belle mère et qu’un pépin lui chatouillait la glotte.

- Qu’est ce qu’il t’arrive Timide ? Tu veux de l’aide ? Un clignement d’œil. Un léger mouvement d’épaule, je prends ça pour un oui. Et on reprend tous les deux la lecture du texte. C’est l’histoire d’un mec pas prévoyant pour deux sous qui part aux sports d’hiver et qui doit tout acheter à la boutique de la station en arrivant. Une version édulcorée des « Bronzés font du ski » sans le vin chaud et le planter de bâton.

- Alors dis moi tu as compris ? Tu vois ce qu’on te demande ? Hummm un mouvement du visage qui tend vers le bas, ça veut dire oui ? Ou non ? Ou que le cordon bleu de la cantine lui semble un peu trop cuit et aurait mérité une cuisson plus légère qui aurait su préserver la douceur du poulet et le fondant du fromage ? On va dire que c’est oui, parce que ce midi c’était pizza, pas cordon bleu.

- Donc tu peux me dire quelle est l’opération que tu dois utiliser ?

Pas de réaction, enfin rien qui ne se voit à l’œil nu. Me voilà bien, parce que le souci avec Timide c’est que si on insiste, ben c’est pareil, pas de réaction. Je pars donc du principe qu’il ne voit pas de quelle opération il s’agit. Et tout en surveillant Terminator du coin de l’œil, qui sent le truc pas clair, je saisis deux feutres . Pas le feutre fantaisie, non le feutre classique, celui qui traîne sur tous les bureaux et qui sert à écrire au tableau, le feutre qui s’efface, classique mais un peu classe quand même.

Et donc j’énonce clairement la situation. Alors Popeye, avant de vendre à Bernard tout son matériel de ski, il a vendu à Jean Claude Dusse 2 stylos effaçables pour tableau blanc, le premier coûte 2 € et le second 3 € ( on ne fera pas de commentaires sur le prix des feutres effaçables dans les stations de ski, on a tous acheté la bouteille d’eau minérale à 3 € ou le paquet de chips à 4 € au Sherpa de la station sans rechigner). Combien Popeye va-t-il réclamer à Jean Claude ? Timide réfléchit, enfin je suppose car je n’entends rien et il ne quitte pas les stylos des yeux. On va dire que c’est bon signe.  Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos cours ! Et dans un souffle j’entends 5…

- Super Timide, donc tu peux me dire quelle opération tu as faite ?

Nouveau silence. Il y a des silences qui reposent mais avec Timide, parfois le silence me file des angoisses, je suis là avec mes 2 feutres et j’attends.

- Plus. -Oui c’est ça mais tu es en 6e maintenant, cette opération elle a un nom et j’aimerais que tu me le donnes.

Devinez quoi ? On repart pour un silence angoissant. Tout le monde est suspendu à ses lèvres, les crayons sont levés, on attend religieusement la réponde de Timide. - Une traction !

Crotte, il arrive à dire deux mots et il y en a un qui n’est pas le bon, c’est ballot ! Cette fois c’est pour moi le silence, je reste sans voix, un feutre dans chaque main, les yeux de Timide qui cherchent l’approbation, quand l’agitation et le bruit viennent d’un coup par derrière !

- Mais non c’est pas une traction, une traction c’est quand tu fais ça !!! Et voilà notre Choupinouich qui se lance dans une démonstration de lever- porter de paniers à provision au marché de Sainte Ursule de Noncourt par la mère Gonthier ! Mais il n’a pas le temps de finir que déjà Terminator vient le contredire en mimant lui un soulever-porter digne d’une démonstration d’un homme fort du XIX siècle à la foire à la saucisse de Kayserberg ! Le tout commenté en direct par Miss Tamalou, qui a toujours un avis sur tout, et surtout sur ce qu’elle ne connaît pas, c’est toujours ce dont elle parle le mieux.

Et pendant ce temps, je continue mon dialogue silencieux avec Timide, les feutres levés, tenus à bout de bras tel l’étendard de Jeanne en plein siège d’Orléans. Parce que je rappelle quand même que le but de l’opération était de trouver la dite opération et non nous rejouer Rocky Balboa qui, au marché, porte les poireaux d’Adrianne ! Et c’est là que Bichette, toute discrète, mais encore le rire au bord des lèvres propose l’addition, histoire de me sauver du naufrage, car si moi je me voyais en Sainte Jeanne, elle, plus lucide voyait sûrement le bras levé du naufragé à la proue du radeau de la Méduse. Merci Bichette !

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