Aujourd’hui c’était la dernière séance sur la Révolution Française. La dernière séance c’est celle du plaisir sadique, celle où l’on annonce l’évaluation pour la prochaine heure. Mais à ce moment-là on peut réellement se poser la question de savoir s’il s’agit de sadisme ou masochisme, voire du sado-masochisme. Tonton Sigmund aurait bien du boulot, parce qu’une fois passée l’évaluation, il faut la corriger et là ça se corse . Enfin, pour l’instant il faut se satisfaire du plaisir de l’annonce, et découvrir en retour les soupirs résignés, les supplications dignes d’un épisode de série B sur une chaîne de la TNT, ou encore la grande scène du II avec les décors de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell.

Le tempo est parfait, la leçon est copiée, ce qu’il faut retenir noté, les devoirs enregistrés et il nous reste quelques minutes avant la fin du cours. Mes petits gaillards en profitent donc pour réclamer une vidéo en récompense de leur bon et sérieux travail. Comme je suis d’humeur guillerette, soyons fous, je cède ! C’est parti pour « La vie à Versailles au grand siècle » ( parce que oui pour la vidéo mais il ne faut pas déconner non plus, ils ne sont pas sur Netflix mais en histoire).

Je ne sens pas un grand émoi au démarrage de la vidéo, mais ils sont sûrement trop émus pour exprimer toute leur reconnaissance. Après une présentation rapide du château et de ses extérieurs par le cousin de Stéphane Plazza, c’est le magazine de la santé qui prend le relais. On apprend que l’hygiène étant une notion à géométrie variable, chacun pouvait se sentir plus ou moins à l’aise en présence de l’élément aqueux. En effet c’est bien connu, l’hygiène c’est comme le Ricard, chacun y met l’eau qu’il veut.

Les intervenants insistent ensuite sur la santé des grands du monde et nous font découvrir les joies des purges, saignées et autres lavements. Ils ont la délicatesse de ne pas rentrer dans les détails et en concluent qu’il est tout aussi important pour la noblesse d’être propre de l’intérieur qu’à l’extérieur. C’est à ce moment que tout bascule. P’tit Biscuit n’a pas tout compris. Arrêt sur images .

-Madame, ça veut dire quoi saignée ? Je me dis sur le moment, que j’ai une chance. Il y avait trois mots dans la phrase du camarade de Stéphane ( Bern cette fois ). Tout le monde les a ? saignées, purges et lavements…et il ne parle que de saignée, P’tit Biscuit. Alors allons y !

- La saignée fait partie des purges, on considère qu’il faut débarrasser le corps des éléments nocifs et donc du mauvais sang. On fait une prise de sang de temps en temps pour nettoyer le corps.

Et hop deux mots habilement placés, et on se dit que le lavement va passer crème. Trop d’optimisme tue l’optimisme. P’tit biscuit ravi de la première explication enchaîne.

- Le lavement aussi c’est une purge ? Question admirablement bien posée..Je peux me contenter d’un oui et reprendre le fil de la vidéo.. - Et donc c’est quoi alors ? Grrr, je le savais pourtant. Trop d’optimisme,.. gnagnagna.

- Et bien c’est une autre façon de nettoyer l’intérieur de son corps. On utilise un clystère, une sorte de grosse seringue pour introduire un liquide à l’intérieur du corps de Loulou ( XIV, XV, XVI.. on introduit dans celui que l’on préfère, moi ça m’est égal ).

Vous les entendez aussi, les rires, les argghhh, les beurkkk ? Comme quoi ils comprennent parfois bien plus rapidement certains concepts. Parce que je dois l’admettre, le théorème de Pythagore, il n’est pas encore acquis pour tout le monde. Mais dans le concert de borborygmes ( le mot est raccord avec le sujet, pas peu fière la p’tite dame ) j’entends clairement un « Pauvre Raymond ».

J’ai beau fouillé l’arbre généalogique des capétiens, pas de traces d’un Raymond. Et les comtes de Toulouse, Raymond de père en fils, n’ont pas vraiment eu l’occasion de faire des selfies dans la galerie des glaces avec des touristes japonais en vadrouille. J’ai reconnu la voix de Yakari, je suis joueuse et on a un peu de temps.

- Pauvre Raymond ? Mais de qui parles-tu ? Tu es sûre que tu ne confonds pas avec Loulou ? - Ah ben non, c’est Raymond ! - Le médecin ? - Non !!! C’est Raymond, ses fesses !! -Alors là je ne comprends plus. Il doit vraiment me prendre pour une idiote, parce que je lui dis souvent que je ne comprends pas ). - Qui est Raymond ? - Ben ses fesses ! La raie des fesses, raie, Raymond quoi ! Quand on met un suppo on donne à manger à Raymond ! Pffff ( le pffff, genre mais qu’elle est nouille celle-là, tout le monde sait ça !).

Tout d’un coup les bras m’en tombent, j’ai l’impression d’être la vénus de Milo sur son socle au milieu de la foule au Louvre , silencieuse, impuissante, sans réaction à la sonnerie qui finalement me sauve. Sur ce je vais aller jouer avec mes collègues en salle des profs pour trouver de nouvelles expressions : un coup de pied à Raymond, se tirer les doigts de Raymond, avoir le Raymond bordé de nouilles… La vie est pleine de surprises et de Raymond…