Les aventures de Choupinouich

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Vous vous rappelez de Choupinouich ? On l’avait laissé sans costume ni bonbons sur le ferry quelque part entre Halloween et l’arrivée du grand barbu. Mais depuis Choupinouich est de retour au collège, ce haut lieu du savoir, où les connaissances ruissellent. Et je dis bien « ruissellent » parce que Choupinouich tient sacrément du canard col vert, sur les plumes duquel l’eau ne fait que ruisseler sans jamais le mouiller.

Depuis le début de l’année, avec mon petit canard, on revoit la technique de la soustraction. Pour l’instant cela paraît aussi bien engagé que la voiture d’un octogénaire à contre-sens sur l’autoroute. Il commence par soustraire, puis sans crier gare il finit son opération en additionnant. Mais je ne suis pas bégueule, j’accepte l’erreur et je reprends avec patience, la technique. Et depuis quelques jours, on sent le frémissement, l’eau commence à mouiller les plumes. Alors ce matin-là, je me sens d’humeur guillerette, je lance les opérations dont la première 243 – 157, je rappelle la technique et je vole d’un pas léger vérifier que tout se passe bien sur les autres cahiers.

Là il faut compter les secondes 1…2…3…4…5 tout va bien 6…7… je suis de retour, j’ai toujours le sourire aux lèvres, mais Choupinouich, lui, l’a perdu. Il a l’air complètement hagard, son regard donne le tournis. Comme le jour du tirage du loto, on sent que toutes ses idées tournent en rond dans sa tête comme les boules et on attend le numéro complémentaire.. Va-t-il sortir ? Je suis complètement prise par le suspens, je le vois là, les mains en l’air, il semble vouloir dire quelque chose mais il n’y a pas grand-chose de compréhensible parce qu’en même temps il râle sur son voisin qui rit à gorge déployée. Mince, on a un problème ! Comment une simple soustraction peut faire rire et s’énerver mes deux gaillards ?

Je leur demande donc le silence et de se recentrer pour m’expliquer ce qui ne va pas. Terminator qui a compris le coup de l’œil qui frise se tait immédiatement ( trop bien l’œil qui frise, c’est une technique qui marche à tous les coups ! Enfin en 6e, parce qu’on perd en efficacité quand la quantité de boutons d’acné augmente. Les lois de la cosmétologie sont impénétrables.. )

Je me tourne vers Choupinouich, et lui demande ce qui lui cause une telle agitation.

- Ben je ne peux pas faire l’opération !

C’est pire qu’une lamentation d’un fantôme écossais au fin fond de son château en ruines.

- Comment ça tu ne peux pas faire ton opération ? Tu sais comment le faire ! On vient de ré expliquer juste avant de commencer.

- Je ne peux pas !!! J’ai pas 43 doigts et il faut retirer 7 ! Pas le temps de réfléchir ! Terminator explose de rire, en regardant son voisin Choupinouich. Et oui c’est quand même ballot quand on fait des maths d’avoir des accointances avec le canard mais pas avec le poulpe.

Mais Choupinouich n’a pas seulement des soucis avec ses doigts, il a aussi des soucis avec les expressions à la mode. Comme je lui demandais de me donner son cahier pour que je puisse le corriger, je constate que les fiches ne sont pas toutes collées, et je me permets donc de lui réclamer les dites-fiches..

Visiblement la situation est cocasse, en tout cas pour lui car je le vois rire la main devant la bouche ! Dans l’instant on dirait Diabolo, le chien de Satanas ! La même posture, le même rire. Terminator le regarde, l’œil un peu étonné quand même et finit par rire, non pas un rire complice mais le rire de celui qui comprend que son voisin est un comique, et que franchement l’année promet d’être sympa.

Je demande alors si je peux partager ce moment de gaîté ( parce que moi aussi j’aime rire..). Choupinouich-Satanas n’est pas d’accord, il ne veut pas. Oui ben en même temps tu n’as pas le choix, moi je veux rire. Alors c’est Terminator qui se lance entre deux hoquets :

- Ben m’dame il a répondu « Dans ma culotte » ! pour les feuilles. - Comment ça dans ta culotte, Terminator ? - Ben oui, il a dit « dans ma culotte », il s’est trompé !

Choupinouich se défend bec et plumes ( oui c’est pas l’expression mais vu qu’on est dans la volaille depuis le début, on s’adapte ), dit qu’il n’a pas dit ça, que Terminator n’a pas compris.

Bien évidemment vous, vous aurez compris que Choupinouich a confondu la merveilleuse expression qui sert à répondre à toutes les questions des enfants et maris : où sont mes chaussettes, où est mon cartable ? Où est mon yaourt au chocolat ?… Une remontée de bretelles, virile mais cordiale permettra de mettre un terme à cet échange sur les expressions imagées et leur utilisation.

Depuis quelques jours dans la classe de Choupinouich et Terminator, il y un autre nouvel élève, Kiki le pigeon semi-voyageur. Les parents de Kiki, gens du voyage ont décidé de planter les roues de la caravane définitivement. Adieu routes et paysages, bonjour parpaings et ardoises.

On dit que la sédentarité peut avoir des effets négatifs sur le tour de taille, mais pour Kiki, pas de soucis, le mal est déjà fait. Il vient tous les matins au collège le sac sur le dos et l’élastique du survêtement et du sous vêtement au milieu de son popotin joufflu. Et donc tous les jours nous pouvons profiter du spectacle de la Lune en plein jour, à l’intérieur de nos classes, à défaut du soleil et de la chaleur au dehors.

Le p’tit gars est content d’être là, et malgré ses difficultés rentre toujours en classe le moral au plus haut et le pantalon au plus bas. Seulement un détail m’est apparu aujourd’hui. Pour l’aider à mieux comprendre les additions, je suis allée chercher dans l’armoire au fond de la classe ma monnaie factice. Les billets en papier et les pièces en plastique qui imitent, selon les élèves, à la perfection la vraie monnaie.

Quand je sors la boîte, je vois les étoiles dans leurs yeux, ils sont en transe et attendent de pouvoir mettre la main sur le Saint Graal ! Alors je me retourne avec toute la dignité dont je suis capable et je tiens la boîte à bout de bras. On imagine les anges qui volent, le halo de lumière qui m’illumine avec délicatesse et les étoiles… et la Lune !

Mais soudain les anges perdent leurs ailes, le halo de lumière n’est plus qu’un souvenir, et les étoiles sont déjà mortes. Devant moi, de dos, Kiki, est là assis sur sa chaise, assis sur son c… Oui sur son c… parce qu’en fait quand il s’assoit, son pantalon, son caleçon sont en berne, il est littéralement assis sur son c… !

Cette image pourrait-elle causer des dommages irréversibles à mes rétines fragiles ? En tout cas telle Marie Pierre Casey j’ai sauté sur mon chiffon et la bouteille de produit vitres trouvée au fond d’un placard pour tenter d’effacer l’infâme ravage causé au mobilier de l’Éducation Nationale à la fin de l’heure. Mais je vous préviens je ne ferai pas ça tous les jours !

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