Paraskévidékatriaphobie

4 votes

Il y a quelques jours encore, je ne connaissais pas ce mot ( Ne faîtes pas les malins parce que je suis sûre que vous non plus ). Mais après cette nouvelle journée, je pourrais peut être devenir paraskévidékatriaphobe.

Comme tous les matins, j’inscris la date au tableau, vendredi 13 décembre. Je me permets une petite remarque, genre la minute « culturelle », sur la possibilité que ce jour soit un jour de malheur pour certains et un jour de chance pour d’autres. Et c’est en plein milieu de cette anecdote que Choupinouich nous fait son annonce, d’une voix pleine de joie et de bonne humeur : - Oh c’est vendredi 13 ! C’est mon anniversaire ! - C’est aujourd’hui ton anniversaire ? Oh mais c’est chouette ! Joyeux anniversaire Choupinouich ! - Enfin c’est presque mon anniversaire.

Hummm c’était trop beau. Comme dirait l’autre : « et puis d’un seul coup : crac la fausse note, la mouche dans le lait ! » - Comment ça presque ? C’est ton anniversaire ou ça n’est pas ton anniversaire, mais ça ne peut pas être presque ton anniversaire. - Ben si c’est presque, parce que mon anniversaire c’est le vendredi 13 juin !

Hummm bis, comment répondre à ça ? On est le vendredi 13 décembre. Ok. Son anniversaire c’est le vendredi 13 juin. Ok.

Sauf que la rigueur scientifique m’oblige à lui expliquer que .. lui expliquer quoi d’ailleurs ? Parce que d’un coup j’ai l’impression d’être à la table d’Alice et du chapelier fou pour fêter le « non-anniversaire » de Choupinouich.

J’ai donc le choix entre sauter de table en table en chantant « Joyeux non anniversaire » ou lui expliquer qu’il fait erreur. Mon grand âge et l’état de mes articulations vont choisir pour moi.

Alors on y va pour la tentative d’explication. - Ton anniversaire c’est bien le 13 juin mais ça n’est pas forcément un vendredi tous les ans. Alors que quand on parle du fameux vendredi 13, il faut les deux éléments : le vendredi et le 13. Sinon c’est un vendredi comme les autres, ou un 13e jour du mois comme les autres. Alors que ton anniversaire, c’est bien le 13 juin mais pas forcément le vendredi. ( Bon en vrai j’ai essayé d’être plus claire mais bof.. ) Tu comprends ?

- Oui c’est presque mon anniversaire, c’est le vendredi 13 juin. - Non ton anniversaire c’est le 13 mais le jour change tous les ans, parfois un lundi, un mardi,….

Terminator se marre, il sent bien que la situation s’enlise, et il a bien raison. Je sens moi aussi que cet anniversaire sent le rance. La crème du gâteau aura eu le temps de tourner d’ici le 13 juin ;

Et là je dois avouer, j’ai été lâche, je n’ai pas insisté, c’est moche mais franchement se lancer dans les années bissextiles, le calendrier grégorien, un vendredi 13 ça n’était pas le jour, je crois que je vais garder cette petite sucrerie pour un … vendredi 13 juin.

Mais maintenant je sais que le vendredi 13 un malheur n’arrive jamais seul.

Un bruit à la porte. Elle s’ouvre, c’est mon binôme de blind test. Elle connaît les chanteurs actuels et moi les chanteurs morts. On fait une équipe d’enfer. Elle est chargée de distribuer les mots pour le repas de Noël. C’est L’INFORMATION du jour ! Voire même de l’année, elle arrive ex aequo avec les informations sur les jours de grève. Les p’tits loups sont à peu près dans le même état d’excitation que si on leur annonçait que l’on avait perdu les clés du collège et qu’ils pouvaient rentrer chez eux.

Terminator qui a entendu « repas de Noël » n’en démord pas. Il ne sortira pas de la classe sans connaître le menu du jour J, il répète en boucle « Et on mange quoi ? Et on mange quoi ? Et on mange quoi ? ». Dans ces cas là non plus, inutile de se battre, on perdrait seulement du temps ou alors on peut aussi lui faire manger la table grâce à un coup direct et souple, appliqué à l’arrière du crâne.

Mais alors là on se met les filles du ménage à dos, parce que le sang c’est pas facile à ravoir et après il y a des rayures sur le plateau de la table et ça c’est super moche et la crasse elle s’y incruste. Enfin bref, un gros bazar ménager.

C’est parti pour les mini burger, les volailles en sauce… Glamour et paillettes au self. Notre pauvre Choupinouich semble tout dépité, il soupire dans son coin. Et d’un air tout triste nous annonce : - C’est nul moi j’habite Clermont. C’est intéressant mais comme un peu à chaque fois, on ne voit pas le rapport avec la choucroute ni avec la dinde de Noël. Mais il n’est plus le temps de tergiverser, si on ne veut pas commencer les maths le vendredi 13 juin, il faut couper court aux problèmes résidentiels de Choupinouich et passer aux problèmes tout court. Mais ça c’était sans compter sur Droppy qui lui est bien content d’habiter Guéret et qui lui pourra profiter du repas de Noël.

Et c’est à ce moment que tout s’éclaire, quand Choupinouich, nous dit que décidément la vie est trop injuste, il ne pourra revenir au collège le 24 pour le repas de Noël alors que Droppy il pourra lui. Bah oui parce qu’on en rêve tous de venir passer notre réveillon au self du collège. Il faudra penser à faire des photos de la folle soirée pour notre Choupinouich.

Sérieusement il faut vraiment que je m’accroche à la guirlande pour ne pas dévisser certains jours…

Clairement je pensais que le pire de la journée était derrière moi quand les 3e ont pris la place des 6e. Après avoir compris avec succès les besoins nutritifs des cellules chez les êtres vivants, j’imaginais que la recherche des besoins des végétaux ne seraient qu’un détail. Ils avaient trouvé l’heure précédente les besoins en eau, en sels minéraux, en CO2 en analysant les expériences. Une classe au top ! Il nous restait le soleil, la chlorophylle, la chanson de Gainsbourg « Sous le soleil exactement », et la fameuse photosynthèse ..

Et ce matin là ça coince. En même temps le ciel normand n’est pas des plus ensoleillé et je me demande parfois si les nouvelles générations savent encore s’il existe. Alors je guide, sous le regard goguenard de ma perle Lolo, la seule, l’unique. Celle qui est aussi déjantée que les enseignants avec qui elle travaille. Et notre recherche fut un festival, un feu d’artifice …

- Les plantes qui ont besoin de soleil, pour transformer leur matière minérale en matière organique.. Comment on les appelle ces plantes ? Après une intense réflexion, quoique intense je doute , parce Demis Roussos ( bon il n’a clairement pas la pilosité galopante du sus nommé, mais c’est le seul de la classe qui a plus de 4 poils sous le menton ) se lance : - La plante du jour ?

- La plante du jour ? C’est comme les œufs ? Du jour ? Elle est toute fraîche ? On va la cueillir le matin, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne ?

Je regarde au fond à gauche et vu le sourire de Lolo, je me rends vite compte que je l’ai déjà perdue.

Jean Valjean, se dit alors que s’il y a des plantes du jour, il y aurait des plantes de la nuit ? ( pour information notre Jean Valjean a gardé du bagne la coupe réglementaire, et des longues nuits au cachot, un caractère enjoué et débordant de fantaisie, selon la légende).

Il propose les champignons. Ça me rassure parce que quand on parle de plantes de nuit, ça aurait pu vite déraper. Donc c’est bien joué mais j’attendais l’endive et l’inhibition de la synthèse .. Visiblement ça n’est pas un légume connu sous nos latitudes. Parce que niveau couleur j’ai tout entendu : vert, jaune, marron, voire rouge. Pourtant Valjean en donne à ses lapins, il nous le confirme. Heureusement Manu sauve la situation en optant pour le blanc.

Je pensais réellement que tout le monde connaissait l’endive, ce plat du dimanche soir, que tout le monde a déjà mangé une fois et que tout le monde a détesté au moins 10 fois. Parce que l’endive au jambon dans le four c’est un peu Léonardo et Kate dans Titanic. Léonardo, l’endive, qui baigne dans l’eau au fond du plat, qui se liquéfie et qui peu à peu se désolidarise de la tranche de jambon qui, contrairement aux lois de la physique, va se dessécher au milieu de toute cette humidité. Cette brave Kate que les scientifiques iront chercher dans son EHPAD, sèche comme un pruneau, enfin comme une tranche de jambon, abandonnée par son endive trop cuite dans son eau amère. Que la vie est mal faite. Donc si on résume on sait qu’il y a des plantes du jour et des plantes de nuit. Et qu’elles n’auraient pas les mêmes couleurs. On avance pas mal finalement. Et je me dis que par déduction, je pourrais peut être obtenir le mot « chlorophylle ». Un œil sur la montre, il reste 5 minutes. Pas la peine de regarder Lolo, elle est toujours dans la cage avec les lapins de Jean Valjean, elle doit chercher les endives ou les champignons et vu sa tête c’est pas gagné.

Au final après plusieurs tentatives, en tentant les goûts des chewings gum, j’ai obtenu un panel assez précis de tout ce que l’industrie chimique peut reproduire ou inventer en parfums, mais pas de chlorophylle. Je décide donc de les abandonner face à ce terrible suspense, une attente insoutenable de quelques jours avec la mission de me trouver le goût manquant ou peut être carrément le principe de la photosynthèse.

Mais comme dirait Gérard, producteur de carottes dans le Léon : On n’est pas sorti du sable !

notez cet article
4 votes

Une réaction ? SMS