Qui voit Ouessant, voit…du fromage blanc !

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Préparer un voyage scolaire, c’est toujours une épreuve. Entre les lourdeurs administratives ( remplir la fiche navette bleue IA29 393 ZNZ le matin à jeun, en 3 exemplaires, la fiche rose IA29 245 KJO qui devra être signée un soir de pleine lune avec un stylo en argent ), les réunions avec les familles et les questions toujours pertinentes et qui font avancer le sujet ( quand vous marquez pique nique sur la fiche ça veut dire qu’ils vont manger des sandwichs ? ) mais surtout l’excitation pré, post départ des oiseaux, on se demande ce que l’on préfère. Sérieusement, à côté, les projections de la NASA pour un éventuel départ sur Mars ressemblent à une partie de campagne.

Donc voilà lancé le grand projet. Le séjour dans les îles. Ça fait rêver : la mer bleue, la traversée de l’océan. Go to Ouessant. Alors oui c’est moins glamour que les Marquises. Mais clairement quand on veut partir au soleil, profiter de la mer et des crustacés , on ne part pas avec armes, bagages et élèves.

Ouessant, l’île sauvage qui vous accueille toute l’année, à toutes les saisons. Un vrai paysage de carte postale. Mais avant de poser pieds et claquettes sur le port du Stiff, une préparation en bonne et due forme s’impose. Les élèves envisagent les coûts, les repas, la répartition des chambrées. On travaille le vocabulaire marin, les horaires des marées, qu’est ce qu’une île, comment peut-on s’y déplacer ? Tous ces menus détails qui finalement ont une importance capitale. On ne peut pas passer à côté. Ça serait comme se lancer dans la recette d’un poulet basquaise sans penser à mettre le poulet dans la cocotte. Ça se mange mais c’est un peu moins bon. Donc Ouessant c’est une île, on peut s’y déplacer à vélo et ça c’est drôlement chouette.

Le jour J est là, Blondinette et Davinette sont à bord. Blondinette, elle est gentille, et charmante. C’est une jeune qui intègre les informations à une vitesse qui n’appartient qu’à elle. Particularité qui peut parfois dérouter mais qui apporte de la fraîcheur dans n’importe quelle situation un peu tendue. Blondinette c’est le trou normand au milieu du repas de communion de la cousine Denise. Alors quand elle débarque sur le port, et qu’elle découvre ce paysage de récifs, ces rochers si célèbres, Blondinette regarde autour d’elle, elle observe, elle réfléchit et finalement se dit qu’il ne faut jamais rester avec un doute. Un doute qui perdure, c’est comme une choucroute mal digérée, ça fermente et ça finit par devenir encombrant. -Mais M’dame, comment ils ont fait pour mettre tous ces cailloux partout ??? Quelle drôle d’idée franchement ! Et puis partout où on regarde il y a de l’eau. Comment ça se fait, je n’ai jamais vu un truc pareil ! - Comment te dire Blondinette ?? Le concept de l’île, la mer autour, la côte.. A quel moment de la préparation, tu nous as lâché ? - Non mais sérieux M’dame, c’est relou quand même tous ces cailloux et puis en plus ça fait super mal aux pieds quand on marche.

Pour le relou des cailloux, il me semble plus prudent de lâcher l’affaire pour le moment, on reprendra plus tard, mais comment ça, ça fait mal aux pieds ? Cette fois, le doute il est pour moi. Mal aux pieds ? On marche sur le sentier. Comment expliquer cette douleur de Blondinette ? Je la regarde, et là je ne sais pas, un soupçon, un semblant d’éclair de génie, comme une révélation. - Dis donc ma belle, si accessoirement tu pouvais envisager, de mettre aux pieds les accessoires, que tu portes à la main que l’on appelle chaussures pour marcher sur le sentier recouvert de bruyère, de quelques cailloux légèrement saillants et de chardons, serait-il possible que la douleur que tu ressens sous la plante des pieds s’atténue ?

Une fois réglé ce problème vestimentaire, il est temps de rejoindre le magasin de location de vélos pour nous équiper pour le séjour. Le commerçant nous attend avec le sourire et son matériel de compétition. C’est le retour de l’excitation, chacun choisit son vélo, ça rigole, ça pédale. De les voir joyeux est un vrai plaisir. Jusqu’au moment où je découvre la bouille de Davinette qui elle, regarde, dubitative son vélo.

Davinette, c’est un peu Davina la copine de Véronique, mais sans les qualités sportives, ni l’énergie communicative. Et son vélo, elle le regarde d’une drôle de façon, un peu comme un ado regarderait un aspirateur un dimanche matin avant midi. - Lequel je prends moi ? Parce que je n’en ai jamais fait ?

Vous vous rappelez les détails importants de la préparation ? Le séjour sur une île, les déplacements à vélo. Toutes ces informations qui ont tenu en haleine nos charmants ados pendant de longues semaines avant le départ. Et là Davinette nous annonce qu’elle ne sait pas faire de vélo, comme ça d’un coup, sans préavis. Moi qui adore qu’un plan se déroule sans accroc, je sens que là on se rapproche sacrément de l’entaille profonde, on serait même à la limite de la blessure létale. Pas le temps ni l’envie de réfléchir à quel moment on a raté l’information, il faut gérer l’urgence, et manifestement l’urgence c’est trouver autre chose qu’un tricycle ou une draisienne qui malgré toute leur praticité dans la situation actuelle ne seraient pas en accord avec la morphologie généreuse de notre demoiselle.

Le commerçant, très ouvert, et amusé de la situation se lance dans le grand déballage de ces cycles divers et variés. Le tandem ? Non impossible, Davinette ne sait pas pédaler, donc on ne règle pas le problème. Le petit chariot à l’arrière du vélo ? Pratique mais les jambes de Davinette dépassent et viennent frotter la selle du vélo et dans le cas d’un virage à droite ou à gauche un peu brusque, on risquerait la fracture nette mais fracture quand même, donc pas la meilleure option.

On sent l’abattement nous gagner quand d’un coup le loueur a une idée lumineuse, la barre de trail ! Bon sang mais c’est bien sûr ! Oui mais qu’est ce donc que cet engin ? Le commun des mortels n’ayant pas d’enfant en bas âge ne connaît pas cette invention moderne et simple qui permet d’accrocher de manière sûre et rapide un vélo d’adulte à un vélo enfant en un seul clic. Il ne reste qu’à choisir le vélo enfant pas trop grand, parce que la traction deviendrait supplice de Tantale pour celui qui pédale devant mais pas trop petit car la traction deviendrait d’un coup attraction pour touristes. Un petit clic et nous voilà partis. Enfin partis est un bien grand mot. Les grands coups de pédale de mon collègue, qui a courageusement enfourché la merveilleuse machine ne voient pas leurs efforts récompensés. Il se retourne et voit le sourire de Davinette qui profite cheveux au vent de la balade sans pédaler..Bah oui, elle ne sait pas pédaler, elle préfère profiter du spectacle et du soleil qui réchauffe son visage. Une rapide mise au point parce qu’il ne faut pas déconner, on est patient mais attention à ne pas dépasser les bornes des limites. Alors Davinette, tu pédales. Non mais !

Quelques coups de pédale plus loin, tout à coup le vélo semble cette fois subir les lois de la physique. Il tangue d’un côté puis de l’autre, comme si de brusques rafales de vents contraires lui faisaient changer de direction. Sauf qu’il faut beau et que le vent se résume au souffle d’air produit par le déplacement dudit engin. Nouveau regard en arrière, Davinette encore une fois ne pédale pas mais à la place se tortille dans tous les sens. Le collègue, avec toute la patience dont il est capable à cette heure du jour, lui demande ce qu’elle peut bien fabriquer pour faire pencher le vélo à ce point. - Bah, je suis obligée de me pencher sinon je ne vois pas la route.

Remarque pertinente mais qui amène à une nouvelle consigne pour Davinette. Donc on reprend dans l’ordre : 1- Tu pédales 2- Tu te tiens droite et tu tiens le guidon et tu pédales. Le message semble passé, et à l’horizon tout s’éclaire.. Une descente en approche, les mollets vont enfin pouvoir se reposer, l’esprit de Kévin, mon collègue, va retrouver un peu de sérénité, et moi un peu de sérieux. Nous voilà lancés dans la descente mais bizarrement Kévin et Davinette, eux dévalent la pente mais comme au ralenti. Comme dans un film de Lelouch, il ne manque que la plage et le tadada tadada tada da tadata.. Oui parce que Davinette a peur, alors même si elle n’a pas complètement intégré le concept du pédalage dans les côtes, elle maîtrise parfaitement la poignée des freins dans les descentes. La liste des consignes s’allonge au fur et à mesure que la journée avance et que le visage de Davinette rougit. Parce que ce soir Davinette est rouge, peut être de plaisir après cette journée passée au soleil sur son vélo, mais aussi peut être surtout parce que ce même soleil lui a laissé une belle preuve de son affection. Notre Davinette a un beau coup de soleil et décide de se tartiner de crème hydratante pour éviter les douleurs nocturnes. Mais malheureusement cela ne nous évitera pas les terreurs vespérales.

C’est pendant la pause bien méritée dans la salle commune, que Davinette nous rejoint. Enfin ce qui reste d’elle et de son visage. On reconnaît bien la tignasse, la couleur des yeux mais pour le reste, on hésite entre Coluche dans « Banzaï » après sa piqûre d’insecte et le nouveau masque de Fantomas qui aurait essayer de se faire passer pour Casimir. Notre demoiselle nous fait une merveilleuse allergie. Dans ces cas là, il vaut mieux éviter de réfléchir, direction donc le médecin qui fait une prescription rapide et efficace d’une nouvelle crème miracle, pour que notre Davinette retrouve son visage, et nous notre tranquillité.

Après un rapide détour par la pharmacie il est temps de rejoindre le groupe et les collègues, qui ont du gérer Blondinette et sa douche. Cette charmante jeune fille était dans sa chambre, les pieds dans une flaque d’eau, parfaitement imperturbable, son pyjama absorbant l’eau par le bas., créant un joli camaïeu de rose, du plus foncé ( ou humide ) au plus tendre ( ou sec ). Blondinette était perplexe, devant une telle situation. Comment gérer une douche bouchée, une salle de bains inondée ? Une solution : faire mèche avec le dit vêtement de nuit et attendre que la marée descende. C’était l’option qui lui avait paru la moins compliquée sur le moment, à moins que l’irruption des enseignants dans la chambre à ce moment ne l’ait surprise en pleine réflexion sur le mécanisme des fluides et les conséquences sur le lycra et autres matières synthétiques.

Toujours est-il qu’il fallu écoper, et sécher avant de réintégrer la carré pour la nuit. Et comme à chaque jour suffit sa peine, et comme on n’est pas à Molène, il était temps de rejoindre les pédales, enfin les bras de Morphée. Le lendemain, Davinette, rouge mais reposée, étalait consciencieusement sa crème sur son visage avant de repartir pour une nouvelle journée pendant qu’on lui répétait les consignes. 1- tu pédales 2- Tu ne gigotes pas pour regarder la route et tu pédales 3- Tu ne freines pas dans les descentes et tu pédales. C’était reparti pour une journée sur les chemins, cheveux au vent et crème sur le visage, le tout sans trop d’incidents. Et c’est le cœur léger et le fessier un peu endolori quand même que nous rejoignions le centre le soir. Qu’il était bon d’entendre Davinette s’extasier de cette journée une nouvelle fois ensoleillée ( au moins elle n’est pas rancunière). Mais cette fois le soleil, qui doit quand même avoir un sacré sens de l’humour avait décidé de faire croûter la crème. Les sillons creusés sur le visage avaient une couleur de crème fraîche, pas fraîche. Et à la fin de cette journée le visage de Davinette ressemblait plus à un pot de fromage blanc abandonné au soleil entre le 15 et 20 juillet, sur une aire d’autoroute, entre une peau de saucisson et quelques chips qu’au visage recouvert de céruse de Diane de Poitiers. Alors vous je ne sais pas mais moi je dirais bien comme Blondinette : -Davinette, c’est relou quand même ton truc sur la tronche !

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