Recherche de stage à poil au poil 

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Les recherches de stages pour nos petits c’est toujours un peu comme traverser le Rubicon un jour d’orage, pas facile mais possible.

Alors quand arrive le tour de Manu, c’est carrément la traversée Ile de Sein – New York sans maillot et sans bouée. Parce que Manu il a un rêve, un vrai rêve de Manu. Il veut faire son stage chez un coiffeur. Mais Manu il a des frangins et ses frangins, ils lui ont dit : Coiffeur c’est pour les PD. Et Manu, lui il n’est pas PD. Il enchaîne les filles comme d’autres enfilent les perles. Alors coiffeur peut être, PD jamais. Donc Manu, lui fait des stages en mécanique, en carrosserie, des trucs de mec quoi, des trucs virils qui laissent les mains abîmées et les ongles noirs.

Manu, il n’ose pas passer la parte d’un coiffeur. Sous ses airs de gars sûr de lui, qui aime se faire remarquer, c’est un vrai timide. Se présenter dans un lieu inconnu c’est se dévoiler, et il n’aime pas ça Manu. Pourtant il a parfois des idées curieuses. L’an dernier, c’était le voyage à Paris. Le stress montant, pour se détendre Manu jouait les fiers à bras et dans ces cas-là rien de mieux que de tenter la blague à poils. Un matin : - Eh M’dame, à Paris on ira voir des filles à poils ? Il paraît qu’il y en a plein. - Des filles à poils ? J’ai beau chercher mais je ne vois rien qui pourrait rentrer dans le programme du séjour, qui je te le rappelle est plutôt basé sur l’Histoire, la belle, celle avec un grand H. - Ouais mais si, il y a des filles à Paris, au Moulin Rouge, il paraît qu’elles sont à poils. On se demande parfois pourquoi ils ont une telle obsession pour la pilosité féminine. Mais cette obsession commençant à me hérisser le poil, je tente le semblant de complicité. - Écoute, sérieusement le Moulin Rouge c’est surfait, il vit sur sa réputation. Je connais un endroit plus chic. Si on peut on passera devant. Le gars est ravi, il s’y voit déjà. Devant l’affiche. Les semaines passent et comme prévu, il a arrêté de réclamer ses filles jusqu’au jour j, Mr Manu est redevenu Docteur Manu. Mais une fois dans le bus, cela revient comme une foutue chanson qui ne veut pas quitter la tête et qui tourne en boucle. -Eh M’dame, c’est aujourd’hui qu’on ira voir votre truc, vous savez « chez Michou » ?

Aïe, j’avais oublié ! Alors j’explique rapidement aux adultes qui m’accompagnent que les filles à poils de chez Michou sont quand même les plus belles de Paris, et que si l’occasion se présente, nous pourrions effectivement nous arrêter un instant pour faire du lèche vitrine. Je vous laisse imaginer leurs têtes. Ce ne sont pas des clients fidèles des cabarets parisiens mais ils ont bien en tête la spécificité dudit cabaret.

Nous avons donc entamer notre pérégrination dans les rues parisiennes, baskets au pied pour la plupart, claquettes chaussettes pour quelques énergumènes convaincus que les comiques que l’on voit dans les clips à la télé sont d’authentiques parisiens, chantres du bon goût et de la classe vestimentaire. Les visites et les découvertes s’enchaînent, et voilà Montmartre. Montmartre et sa célèbre butte mais surtout ses cabarets. Plus que quelques mètres et on allait toucher au but. Enfin surtout Manu.

Au détour de la rue des Martyrs, on y est ! Je propose donc une traversée de la chaussée en règle et en sécurité pour découvrir un des chefs d’œuvre parisiens, la version moumoute peroxydée de la Joconde. Manu, est en transe, il traverse la route comme l’autre avait traversé le lac en marchant sur l’eau. Il est touché par la grâce.

On le rejoint, lui le regard fixé sur les affiches pendant que moi je le regarde. Il a des étoiles dans les yeux Manu ! Mais quand il découvre que les filles ne sont pas dans le plus simple appareil, les étoiles se transforment en ampoules basse tension, le modèle recommandé par les écolos pour s’éclairer le soir en mangeant son bol de graines. Ecolo mais pas super pratique.

Il regarde de plus près encore, parce que non seulement elles sont habillées mais il sent bien qu’il y a un truc qui cloche avec leur maquillage. Il me regarde, l’œil interrogateur mais ne dit rien. Il retourne à son inspection des fantaisies cosmétiques de Dalida et de Mylène Farmer ! Et là c’est le choc, la révélation ! A ce moment, on verrait presque l’ampoule au dessus de sa tête, mais version nucléaire cette fois, elle pourrait éclairer Vierzon et sa banlieue un soir de novembre.

Plus besoin de parler, on part d’un rire joyeux et largement communicatif. C’est ce qu’il y a de bien avec le rire, même ceux qui n’ont rien compris à la choucroute se marrent. C’est comme dans les films de Steven Spielberg… Quand le héros se met à courir en hurlant, tout le monde fait pareil. Ne pas réfléchir, tout à l’instinct. Ça permet de sauver sa peau ou ne pas passer pour un con.

Donc pour aider notre Manu à aller au bout de ses rêves, je lui propose de discuter avec un autre élève dont le frère est coiffeur. Histoire de casser les stéréotypes. Sur le moment je me dis, mais quelle bonne idée je viens d’avoir, et je m’empresse donc d’aller en parler avec Garcimore. Garcimore c’est un élève de la classe de 4e, avec un rire nerveux en toutes situations. Il est content il rit, (bon là c’est normal), il n’a pas fait ses devoirs il rit ( là pour le coup c’est moins normal), il a du mal à tracer son triangle équilatéral, il rit.. Et il faut au moins la patience de Denise Favre pour ne pas avoir envie de lui faire avaler ses dents dans ses moments. Et Garcimore il a une super trousse. Enfin elle est super le jour de la rentrée, parce que dès le lendemain il s’active à préparer le nid pour ses charmantes souris Tac et Tac-tac. Il casse consciencieusement ses crayons pour qu’elles ne se blessent pas, il stocke les épluchures de ses crayons, les papiers de bonbons déchiquetés et les restes de pain du self. Pour l’instant les bestioles n’ont pas encore investi le nid douillet mais vu le chantier, elles ne devraient plus tarder à ramener valochs et meubles.

Je mets donc en relation Garcimore et Manu, qui expose son problème et demande si son frère est bien coiffeur, si ça lui plaît, tout ça, tout ça. Garcimore répond avec plaisir aux questions, que son frère adore son métier, qu’il a toujours voulu faire ça.. Je sens Manu rassuré donc je leur propose d’arrêter là et de se quitter sur cette belle impression. Et Garcimore, en repartant vers sa classe : - Et puis mon frère, il a toujours plein de bagues et moi je trouve qu’il s’habille comme une fille… Quelques semaines plus tard, j’accompagnerai Manu jusqu’au salon, voisin du collège, stressée comme lui, je resterai sur le trottoir, en soutien, et Manu fera son premier stage en coiffure, adorera, et aux dernières nouvelles, Manu pourrait bien être un chouette coiffeur, parce que Manu c’est un chouette garçon.

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