Deux heures moins le quart après la rentrée

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Un retour de vacances, c’est toujours un peu comme retrouver un vieux bonbon collé au fond d’une poche. Ça n’est pas super bon mais on se rappelle que quand il n’est pas recouvert de poils et de poussière, c’est quand même vachement agréable sous la langue. Je dois malgré tout faire vous faire un aveu, je suis plus saucisson que « le piaf qui chante » mais perdre une tranche de saucisson au fond d’une poche c’est quand même plus rare et moins glamour. Donc on va rester sur le côté sucré de la métaphore et oublier pour quelques minutes le plateau de charcuterie du vendredi soir..

Alors le lundi matin de la rentrée on sort un nouveau bonbon du sachet et on le glisse sous la langue pour le déguster lentement. Sauf que cette fois ça sent un peu l’arnaque, le confiseur a oublié de mettre la bonne dose de sucre. Je vous explique. Quand on habite le fin fond de la Normandie, il faut savoir survivre aux vacances fraîches. C’est facile, on peut mettre une belle doudoune et hop à fond la forme mais elles sont surtout humides les vacances normandes, et là il faut savoir trouver des occupations praticables en zones humides non tropicales. Et le récit de ces fameuses occupations sont souvent la bonne dose de fantaisie sucrée d’un matin morne et pluvieux de rentrée des classes.

Mais aujourd’hui, je n’ai qu’une seule réponse à mes questions, et cette réponse est trop souvent la même : j’ai fait de la console, accompagnée de sa variante in english please, j’ai geeké. Une ribambelle d’écrans au milieu des jours sans soleil. Donc quand j’entends… « J’ai observé la pluie qui tombait », je me dis que Yakari a passé de supers vacances. Je le vois, fusil à l’épaule, tel Forest (celui qui courait en boulottant des chocolats), étudier la courbe des gouttes de pluie, celles qui viennent d’en haut, de gauche ou de droite, rapidement ou lentement. Il est comme ça notre Yakari, toujours proche de la nature et des éléments. Alors une pluie qui tombe ça n’est pas juste de l’eau qui mouille, pour lui c’est aussi une manifestation céleste qui mérite d’être étudiée. Et d’un coup je suis très impatiente de connaître ses conclusions, impatiente comme un enfant de 6 ans qui rêve d’ouvrir le grand carton doré, à peine dissimulé sous le sapin et de tenir enfin dans ses bras le chiot qu’il a commandé au grand barbu.

Je m’attends donc à des conclusions qui vont certainement faire faire un bond à la science de la météorologie. Je vois déjà les applications dans la vie réelle. Le téléphone qui nous prévient que la pluie tombera avec un angle de 150° direction Sud Est à partir de 9h52 pour prendre une direction Nord Nord Est à partir de 9 h 58, ou encore la vitesse d’humidification de la capeline en velours côtelé couleur framboise écrasée, sous une rosée timide à 6 h 34.

J’ose à peine poser la question à Yakari tellement le gouffre de connaissances me donne le vertige. Mais tant pis je me lance, j’ai trop envie d’avoir un petit chiot à Noël !

- Alors dis moi Yakari, tu en as tiré une conclusion, tu as remarqué quelque chose de spécial ? - Ben,… il pleut sacrément chez nous ! Crotte, pas de chiot dans le carton, je viens de me prendre l’encyclopédie Universalis dans les gencives. Alain Gillot Pétré se trémoussait déjà de bonheur au fond de son caveau mais non les voies de Yakari sont impénétrables, Alain peut retourner jouer aux osselets avec son voisin. Et moi je reprends l’œil morne et le moral en berne le cours de ma journée.

C’est parti pour la Révolution industrielle, cette belle période de modernité, pendant laquelle l’ouvrier a découvert que c’était vachement cool de bosser à l’usine, ou dans les mines, pendant que les bourgeois s’ennuyaient à mourir devant un gâteau au café Gloppe. Epoque où les ouvriers pouvaient s’arsouiller joyeusement à l’absinthe en toute impunité, pendant que le bourgeois, lui, végétait devant un grand cru, sous une actrice de théâtre ou sur ladite actrice (chacun fait comme il veut ou comme il peut). Donc nous voilà dans cette belle région du Creusot, au XIXe. Une région comme on les aime, virile, noire, pleine de charbon et de muscles. Les muscles des mineurs qui descendent et qui remontent. On pourrait se croire dans un calendrier des fous de la mine.

Alors je demande à Garcimore de me décrire la copie de la carte postale que je viens de distribuer. Mais avant le début des hostilités, je le félicite parce que depuis le retour des vacances j’ai quand même remarqué qu’il n’avait pas touché à sa trousse et que sa table ne ressemblait pas à un potager en juin 1919 à Verdun.

- Hi hi ! Ah ben oui mais c’est parce qu’il ne me reste plus que 2 crayons alors je dois pas les casser. Hi hi ! Décidément, c’est la journée des réponses frappées au coin du bon sens, ou alors ce sont mes questions qui sont en dépourvues, de bon sens. Je viens d’ouvrir mon deuxième carton avec le tome II de l’encyclopédie. Noël pourri décidément ! Retour à ma carte postale. -Hi hi ben c’est des hommes. - Oui Garcimore, mais quand tu dois décrire une image, il faut donner le maximum d’informations, comment sont ces hommes, où sont-ils, où vont-ils, que font-ils ?

C’est le moment de se mettre d’accord sur l’image sus-mentionnée et préciser mon attente : une description digne d’une envolée lyrique à la hauteur des remerciements de Jean Claude Van Damme à la remise de son prix de meilleur acteur pour son rôle dans le dernier opus des films du plat pays.

Bref je veux mineur, ascenseur, charbon, ouvrier, mine. Une ode au travail mal payé, à l’odeur de la sueur, à la classe ouvrière de Germinal. Vous sentez bien le truc viril. Alors Garcimore, vas-y, lance toi !

- Hi hi ben c’est un groupe de moustachus qui descend dans une cave. Hihi !

Bon sortez les cuirs et les chaînes les gars, je vous laisse, moi je vais essayer de revendre mes encyclopédies de ce pas.

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